La Suisse romande, et le Pays de Vaud en particulier, possédaient une vie culturelle intense au XVIIIe siècle. Une histoire mise en valeur par la plateforme numérique Lumières.Lausanne. Cette dernière présente ses projets au public le 31 mai à l’UNIL.
Jacques Pajou, portrait de Frédéric-César de la Harpe, huile sur toile, 1803. © Musée historique de Lausanne ; photo : atelier de numérisation
« Quant aux affections du Coeur, je les passe sous Silence, et tâche de les oublier de mon mieux, mais sans pouvoir me vanter d'y avoir plaisamment réüssi. » Sous la plume de Frédéric-César de La Harpe (1757-1838), cette remarque personnelle figure dans une lettre écrite à Saint-Pétersbourg le 22 novembre 1785. L’avocat et politicien exerçait alors en tant que précepteur à la Cour de Russie, auprès du futur tsar Alexandre Ier et de son frère Constantin.
Ce passage n’est qu’un minuscule exemple de la foule de documents mis à disposition des curieux, des étudiants et des chercheurs par Lumières.Lausanne. L’équipe qui travaille à ce projet initié en 2008 par la Section d’histoire de l’UNIL présente ses activités au public le 31 mai prochain. A cette occasion, « nous allons montrer la richesse de la vie intellectuelle et culturelle romande au XVIIIe siècle, avec des exemples concrets », explique Béatrice Lovis, coordinatrice de la plateforme.
La Harpe en Russie
L’une des interventions portera justement sur la correspondance de La Harpe, dans laquelle « il détaille les cours qu’il donne aux princes, parle de la vie quotidienne à Saint-Pétersbourg ou critique le système de hiérarchie sociale strict qui règne en Russie », ajoute l’historienne, qui mène une thèse sur la vie théâtrale et lyrique à Lausanne au XVIIIe siècle. S’il a laissé des lettres, le politicien vaudois a aussi rédigé des mémoires presqu’entièrement inédites, soit 11 volumes conservés à la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU), à Dorigny.
A ce sujet, l’un des buts de Lumières.Lausanne consiste à rendre accessibles des sources encore méconnues voire oubliées, afin d’apporter de nouveaux éclairages sur leur époque. Mais avant de pouvoir entamer la moindre recherche, il convient de transcrire des manuscrits de manière méthodique, en respectant l’orthographe et la grammaire d’origine bien sûr, mais également en indiquant ratures, reprises et notes de manière formalisée. La métamorphose d’un document d’archive en un contenu en ligne s’inscrit dans le cadre des « humanités numériques ». Ce patient travail est réalisé par des doctorants et des étudiants : la plateforme constitue un outil d’enseignement.
Jean Barbeyrac aux Pays-Bas
Parmi les projets exposés le 31 mai figure la correspondance de Jean Barbeyrac (1674-1744), qui fut recteur de l’Académie de Lausanne puis enseignant à Groningue (Pays-Bas), où il termina ses jours. Dénichées un peu partout en Europe par la chercheuse finlandaise Meri Päivärinne, 75 lettres numérisées seront disponibles le jour de l’évènement. « Dans ces missives, adressées à ses collègues, le juriste livre des informations sur son activité de traduction. Il fournit des éléments très concrets sur la création du discours savant et sur sa diffusion auprès du public », note Béatrice Lovis. De manière plus large, Jean Barbeyrac (et d’autres intellectuels romands) ont joué un rôle certain dans la diffusion des idées du « droit naturel » entre le XVIIe et le XIXe siècle. Lumières.Lausanne a lancé un projet sur ce courant de pensée, alors à son apogée.
Au fil du temps, les chercheurs de l’UNIL ont rédigé de nombreuses fiches biographiques des personnages autour desquels tournent leurs projets, ainsi que de leurs nombreux correspondants parfois fort peu connus. Ces liens épistolaires, professionnels ou amicaux forment un véritable réseau. Cette toile, qui dépasse la Suisse romande, est mise en valeur grâce à la plateforme.
Enfin, de nombreuses études, expositions et évènements en lien avec le XVIIIe siècle romand sont annoncés sur le site. Plus de deux siècles plus tard, cette période continue à vivre, comme l’évènement organisé à l’UNIL à la fin du mois le prouve.
31 mai 2017, 17h15. Anthropole 2064 (arrêt UNIL-Dorigny). Entrée libre.