Publiées dans «PLoS NTD», deux études auxquelles a participé une chercheuse de la FBM apportent des réponses pour le diagnostic et le pronostic d’Ebola dans les régions à faibles ressources.
Le virus d’Ebola prospère dans les pays en voie de développement, tirant parti de la fragilité du système de santé. Ainsi en 2013, quand faisait rage l’épidémie de fièvre hémorragique en Afrique de l’Ouest, la difficulté à diagnostiquer de façon précise la maladie, qui partage plusieurs symptômes avec la malaria, a été un facteur de sa propagation. On estime que la moitié des patients arrivant aux centres de traitement étaient faussement orientés vers les tentes de haut risque: ces malades testés négatifs à Ebola couraient donc le risque de contracter le virus, et la prise en charge appropriée à leur maladie, qu’il s’agisse de la malaria ou autre, était différée d’autant.
Comment améliorer la situation, dans des régions où il est difficile d’obtenir rapidement des diagnostics confirmés en laboratoire? Une étude menée dans un centre de traitement établi par l’ONG GOAL Global en Sierra Leone, et publiée le 23 février 2017 dans le journal PLoS NTD (pour «Neglected Tropical Diseases»), apporte un élément de solution.
Fiabilité à 90%
Analysant les caractéristiques cliniques de 566 patients admis dans le centre, ces travaux ont permis la constitution d’un outil de triage statistique fiable à 89%, alors que la précision du système actuel avoisine les 50%: «Ce qui revient à décider à pile ou face», relève Mary-Anne Hartley, première auteure de l’étude, qui a obtenu son PhD en biologie à l’UNIL en 2015.
Sur les 566 patients inclus dans la cohorte, 28% ont été testés positifs à Ebola alors que 35% l’étaient à la malaria. D’où l’importance, dans le cadre d’un diagnostic différentiel, d’identifier quelles caractéristiques permettent d’exclure Ebola et/ou le paludisme chez un malade. L’étude a ainsi mis en évidence sept caractéristiques (conjonctivite, diarrhée, pyrexie, dysphagie, etc.) indiquant une très forte probabilité d’infection par Ebola, et une caractéristique (myalgie) plutôt propre à la malaria. Après pondération statistique, ces huit caractéristiques permettent d’obtenir un «score» prédictif fiable à près de 90%.
Après le diagnostic, le pronostic
Cet outil low-cost et fiable a la double qualité d’améliorer le triage des malades, réduisant ainsi le risque d’infection nosocomiale, et de préserver les faibles ressources des zones touchées. Et il se combine à un second outil pronostic, tiré d’une autre étude réalisée en Sierra Leone, publiée elle aussi dans PLoS NTD début février.
Basée sur une cohorte de 158 patients positifs à Ebola, cette deuxième étude visait à évaluer la gravité de chaque cas afin, là aussi, d’allouer au mieux les ressources limitées: «Dans une maladie où 30% des patients sont peu symptomatiques, tandis que 60% risquent de développer des complications potentiellement mortelles, il est important de pouvoir différencier rapidement les cas, explique Mary-Anne Hartley. L’idée est d’identifier précocement les patients qui ont besoin d’un traitement intensif».
L’outil pronostic, s’appuyant lui aussi sur toute une brochette de facteurs, permet d’obtenir un score d’une fiabilité de 95%.
A noter que la chercheuse, à mi-chemin de sa formation de médecin à l’UNIL, travaille en parallèle au développement d’une application mobile avec les spécialistes du Machine Learning and Optimization Laboratory (MLO) de l’EPFL, afin d’apporter ces outils facilement sur le terrain.