Parce que la FBM, ce ne sont pas que les professeur-e-s ordinaires, nous présentons chaque mois un-e jeune chercheur-euse, issu-e des sciences fondamentales ou cliniques, ou un membre du Personnel administratif et technique (PAT). Sous le feu des projecteurs ce mois, Andrew Dwyer, collaborateur au Service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme (EDM) du CHUV et professeur assistant en pré-titularisation conditionnelle à l'Institut universitaire de formation et de recherche en soins (IUFRS).
Andrew Dwyer, comment s'est déroulée votre arrivée au CHUV en 2010?
J'ai été formé comme nurse practitioner aux Etats-Unis, avec toujours un intérêt pour la recherche clinique. Dès 2000, j'ai fait partie d'une équipe pluridisciplinaire au Massachusetts General Hospital à Boston: je travaillais à la fois comme infirmier praticien et comme gestionnaire scientifique au sein de l'Unité d'endocrinologie de la reproduction. C'est là que j'ai rencontré Nelly Pitteloud. Quand elle a été nommée cheffe en binôme du Service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme au CHUV, je l'ai suivie en Suisse pour monter une plate-forme de recherche clinique. J'ai débarqué avec ma femme, mes deux filles et mon chien, sans connaître un mot de français ! Il m'a fallu une petite période d'adaptation, mais j'ai eu la chance de pouvoir effectuer un doctorat en parallèle à mon travail au CHUV.
Un doctorat que vous avez obtenu en 2014. Quel est le thème de vos recherches?
Ma thèse portait sur la promotion de la santé chez les patients atteints de maladies rares. Je me suis notamment penché sur la qualité de vie et l'adhésion au traitement chez les hommes souffrant d'hypogonadisme hypogonadotrope congénital , avec une méthodologie mêlant le quantitatif et le qualitatif. Plus largement, je m'intéresse à la gestion des maladies chroniques, du point de vue des patients et du point de vue de l'institution. Nous devons ainsi combler les «gaps» dans les soins: par exemple, la prise en charge est souvent interrompue entre le moment où un patient atteint de maladie chronique sort de l'adolescence et le moment où il entre dans l'âge adulte. C'est pourquoi nous mettons sur pied une «clinique de transition» dans le service EDM.
Vous évoquez le point de vue du patient: est-ce important de l'impliquer dans la démarche?
C'est fondamental! On a beaucoup de connaissances en physiopathologie, en génétique, mais nous devons aussi comprendre, pour améliorer la prise en charge, ce que cela signifie de vivre au quotidien avec une maladie. Or dans une pathologie chronique, c'est finalement le patient qui est responsable de gérer la maladie. Il est donc important de valoriser sa perspective, de décider avec lui, de trouver des solutions pour améliorer sa qualité de vie: on parle d'«empowerment du patient», d'«auto-efficacité». La prise en compte de l'expérience du patient et de sa famille est importante pour la prise en charge, mais aussi pour la recherche: cela peut aider le chercheur à développer de nouvelles hypothèses.
Impliquer le patient, c'est aussi l'informer...
Tout à fait. On se rend compte que la science avance plus vite que la «literacy», l'«alphabétisation scientifique» de la population. Or le patient a besoin de comprendre sa maladie, de comprendre aussi les enjeux de la recherche. Je vois deux axes. Primo, il y a l'aspect éthique: nous devons obtenir un consentement éclairé du patient, alors que nous avons affaire à des maladies souvent très stigmatisantes. Deuzio, nous devons aussi traduire la science, vulgariser les implications d'une découverte génétique par exemple. Je pense qu'il est important de développer les interactions entre chercheurs et patients. Imaginons par exemple un «journal des patients» dans le cadre d'une étude de cohorte: ce type d'initiative pourrait favoriser l'engagement des patients.
Vous êtes aussi un défenseur des nouvelles technologies de communication...
Les nouvelles technologies peuvent être très utiles lorsqu'on traite les maladies rares et chroniques. Car tout le défi d'une étude visant à élucider la physiopathologie d'une maladie rare, c'est l'accès aux patients. Prenons le cas de l'hypogonadisme hypogonadotrope congénital: il y a peu de patients en Suisse, nous avons donc utilisé le web pour en recruter en Europe, en Amérique, en Asie. Avec comme résultat une cohorte plus large pour mener une analyse transversale sur les besoins non satisfaits. Et nous avons beaucoup d'autres projets intégrant internet, comme par exemple la publication de feuilles d'information en plusieurs langues, élaborées et testées avec des patients. Ou encore, pour plus tard, le développement d'«interventions» sur le web. Autrement dit, favoriser les interactions entre patients atteints de maladie chronique, leur permettre de partager leur expérience et promouvoir l'autogestion.