Parce que la FBM, ce ne sont pas que les professeur-e-s ordinaires, nous présentons chaque mois un-e jeune chercheur-euse, issu-e des sciences fondamentales ou cliniques, ou un membre du Personnel administratif et technique (PAT). Sous le feu des projecteurs ce mois, Marie Barberon, postdoctorante au sein du Département de biologie moléculaire végétale (DBMV) de l'UNIL.
Pouvez-vous nous résumer votre parcours?
J'ai effectué mes études à l'Université Montpellier 2, qui est un grand pôle européen pour la biologie végétale. J'ai ensuite fait ma thèse en physiologie végétale à l'école SupAgro, un pilier de la recherche agronomique, toujours à Montpellier. Thèse que j'ai obtenue en 2010. En parallèle, je suis entrée en contact avec le professeur Niko Geldner, du Département de biologie moléculaire végétale, qui démarrait son groupe à Lausanne. Je l'ai rejoint en décembre 2011 à la faveur d'une Bourse européenne EMBO.
Sur quoi portent vos recherches?
Je travaille sur les mécanismes par lesquels les plantes se nourrissent. Plus spécifiquement sur l'endoderme: cette couche de cellules situées à l'intérieur de la racine fait office de filtre, laissant passer les nutriments dont la plante a besoin et bloquant les substances dont elle peut se passer, voire celles qui sont toxiques. L'endoderme a été identifié il y a 150 ans, mais si on comprenait intuitivement son rôle, on connaissait peu son fonctionnement. Grâce aux travaux du professeur Niko Geldner et à mes recherches, nous avons fait un grand pas dans la compréhension de ces mécanismes. Nous avons notamment pu démontrer que les plantes avaient la capacité d'adapter la perméabilité de leur endoderme en fonction de leurs besoins, de manière réversible - on parle de «plasticité» de l'endoderme. Fixée au sol, les plantes ne font pas que subir leur environnement, mais s'y adaptent. Quand vous ne pouvez pas courir pour trouver votre nourriture, il faut bien trouver d'autres mécanismes!
Cette étude a fait l'objet d'une publication dans Cell en janvier 2016, étude dont vous étiez la première auteure. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos méthodes de travail?
Notre modèle est l'Arabette des dames - qu'on appelle plutôt de son nom latin Arabidopsis thaliana dans les labos. Il s'agit en fait d'une mauvaise herbe, présente partout dans le monde. Son intérêt vient de là: elle n'a jamais été sélectionnée par l'homme, il n'y a donc pas de biais dans ses réponses, 100% naturelles. Ensuite, elle a une racine très simple et transparente; on peut de plus facilement ajouter des marqueurs fluorescents. Cela en fait un modèle particulièrement adapté au microscope, C'est en quelque sorte le «zebrafish» de la biologie végétale, et c'est la première plante à avoir été séquencée en 2000. L'équipe du professeur Geldner en a réalisé des spécimens mutants: un outil très précieux, puisqu'on peut «casser» spécifiquement une fonction, puis regarder ce qu'il se passe, par exemple en «stressant» la plante et en comparant avec une plante non mutante.
Si on extrapole, quelles perspectives ouvrent vos découvertes?
A terme, on pourrait utiliser ce pouvoir d'adaptation des plantes elles-mêmes pour optimiser leur rendement, mais aussi la qualité de la nourriture. Appliquée à des plantes d'intérêt agronomique, cela permet d'envisager de nouvelles stratégies d'amélioration. Et ce à plusieurs niveaux: en modulant la barrière de l'endoderme, on pourra peut-être les faire pousser dans un milieu hostile, par exemple trop salin. Ou encore faire en sorte que la plante bloque certaines substances nocives présentes dans les sols, comme le cadmium. Ajoutons que les engrais utilisés actuellement, en plus d'avoir des conséquences souvent dramatiques sur l'environnement, ne sont pas disponibles en stocks illimités: on estime par exemple que les réserves de phosphore seront épuisées d'ici 20 à 100 ans - hypothèse maximaliste. En ce qui me concerne, je vais continuer à travailler au niveau fondamental sur les mécanismes de nutrition, en me penchant aussi sur les mécanismes de perception des plantes. Autrement dit, comment les plantes perçoivent leur environnement, pour s'y adapter.
En parlant d'environnement, qu'avez-vous trouvé à Lausanne?
Même si le DBMV est plutôt petit par sa taille, il jouit d'une visibilité remarquable, grâce à la qualité des groupes qui y sont présents. Je relève aussi la qualité des échanges, des collaborations au sein du département, mais aussi avec d'autres entités de la FBM, comme le Centre intégratif de génomique. La présence de plateformes de pointe - de microscopie, de génomique, de protéomique - témoigne aussi de la volonté de faire avancer les projets. C'est un environnement assez exceptionnel.