Diabète et cancer représentent des problèmes de santé publique majeurs dans nos pays industrialisés. Ces deux maladies ont également en commun le fait qu'elles impliquent un dysfonctionnement de l'utilisation de l'énergie par les cellules. L'équipe de Lluis Fajas, professeur ordinaire au Département de physiologie de la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL, cherche à comprendre ces mécanismes biologiques altérés, pour trouver de nouvelles cibles thérapeutiques. Le fruit de ses recherches est à découvrir dans deux publications de l'édition du 4 janvier 2016 de la revue «The Journal of Clinical Investigation».
De nombreuses molécules sont impliquées dans le cycle cellulaire ainsi que dans son dérèglement, comme cela est le cas lors de pathologies telles que le cancer ou le diabète. Les deux études menées par le Prof. Lluis Fajas, en collaboration avec Sylviane Lagarrigue, assistante diplômée, Pierre-Damien Denechaud, premier assistant et Isabel Lopez-Mejia, première assistante au Département de physiologie de l'UNIL, révèlent qu'une enzyme baptisée kinase CDK4 et sa cible, le facteur de transcription dit E2F1, principalement connus pour leur implication dans le cycle cellulaire et le cancer, jouent également un rôle important dans le contrôle du métabolisme lipidique et les pathologies associées au diabète de type 2.
Une cible thérapeutique potentielle
L'une de ces deux études démontre plus spécifiquement l'importance du facteur E2F1 dans le métabolisme hépatique des sucres et des lipides. «L'utilisation de différents modèles de souris transgéniques invalidées pour ce gène a permis de montrer que ce facteur contrôle l'expression des gènes responsables de l'utilisation du glucose et de la synthèse de lipides dans le foie», détaille le Prof. Fajas. L'obésité et le diabète de type 2 sont souvent associés à une augmentation de la synthèse de lipides hépatiques et contribuent ainsi au développement de la stéatose hépatique plus communément appelée «foie gras».
Cette accumulation de graisses dans les cellules est délétère pour le foie. «Notre laboratoire a pu observer que ce cumul s'accompagne, aussi bien chez la souris que chez l'homme, d'une augmentation de l'activité du facteur E2F1. Ainsi, l'invalidation ou la diminution de l'expression du gène E2F1 chez des souris obèses améliore considérablement les problèmes hépatiques», poursuit le professeur. En résumé, ces résultats mettent en évidence l'importance d'un facteur du cycle cellulaire dans le contrôle d'un processus métabolique hépatique, plaçant ainsi le facteur E2F1 comme une cible thérapeutique potentielle dans le traitement de la stéatose hépatique.
Un lien de cause à effet entre l'enzyme CDK4 et l'IMC
La seconde étude qui fait l'objet d'une publication dans The Journal of Clinical Investigation s'intéresse à un autre tissu métabolique extrêmement important en cas d'obésité: le tissu adipeux. «Dans ce second travail de recherche, nous avons mis en évidence chez la souris l'importance de la kinase CDK4 dans l'activation de la voie de signalisation de l'insuline et l'accumulation des lipides», explique le Prof. Fajas. «En d'autres termes et d'un point de vue plus parlant en matière de pathologie humaine, cette étude relève que l'activité de l'enzyme CDK4 augmente de façon proportionnelle à l'indice de masse corporelle (IMC) de sujets humains en cas d'obésité».
En conclusion, les deux études menées par le Département de physiologie de l'UNIL mettent en lumière de nouveaux mécanismes biologiques suggérant que l'utilisation de médicaments développés pour le cancer, comme les inhibiteurs de CDK4, pourrait se révéler bénéfique dans le traitement d'autres pathologies métaboliques comme l'obésité et le diabète de type 2.