Parce que la FBM, ce ne sont pas que les professeur-e-s, nous présentons chaque mois un-e jeune chercheur-euse, issu-e des sciences fondamentales ou cliniques, ou un membre du Personnel administratif et technique (PAT). Premier «cobaye», Olivier Dormond, privat-docent à la FBM et chef de clinique, dirige la recherche fondamentale du Service de chirurgie viscérale du CHUV.
Pouvez-vous résumer votre parcours?
J'ai effectué mes études de médecine à Lausanne, suivies d'un MD-PhD en oncologie. J'ai ensuite rejoint la médecine interne, avant de partir faire un post-doctorat à Boston. A mon retour, en 2008, j'ai rejoint le laboratoire du Service de chirurgie viscérale du Prof. Nicolas Demartines. J'ai donc un parcours un peu hybride, entre recherche et clinique, oncologie et médecine interne. Je ne fais d'ailleurs pas de recherche chirurgicale à proprement parler, mais plutôt de la recherche en oncologie, notamment sur les thérapies ciblées. En effet, une majorité des patients traités par notre service le sont pour un cancer.
Quel est le principe des thérapies ciblées?
Les thérapies ciblées visent spécifiquement les gènes et les protéines impliqués dans le développement d'un cancer. Concrètement, nous travaillons sur les voies de signalisation dans la cellule, au niveau moléculaire. Prenons le cas d'une blessure: les cellules vont recevoir des signaux extérieurs leur indiquant un besoin de cicatrisation. Autrement dit, un facteur de croissance va activer un récepteur, qui va activer une protéine, qui va en activer une autre, et induire une réponse cellulaire appropriée qui sera stoppée une fois l'effet atteint. Voilà un exemple de voies de signalisation, dans le cas d'une réponse normale de cellules saines. Dans le cas d'un cancer, ces voies de signalisation dysfonctionnent, émettant un signal continu de croissance, ce qui va entraîner une prolifération anarchique des cellules.
Pour traiter un cancer, on peut donc inhiber les protéines actives dans ces voies de signalisation...
Dans notre labo, nous travaillons sur la protéine mTOR, qui régule des fonctions cellulaires importantes, comme la prolifération et la croissance cellulaires. Elle est impliquée dans beaucoup de cancers, par exemple le cancer colorectal. Notre recherche couvre deux axes: comprendre son fonctionnement au niveau biologique et, en partant de cette connaissance, améliorer les traitements qui visent cette protéine. Car inhiber mTOR, et bloquer du même coup la croissance tumorale, peut avoir des effets collatéraux, puisque cette protéine joue aussi un rôle important dans d'autres systèmes, comme le système immunitaire.
Qu'attendre vraiment des thérapies ciblées?
Il y a de fortes limitations, qui tiennent au fait que le cancer est éminemment «darwinien»: pour qu'un cancer se développe à l'origine, il doit accumuler des mutations qui lui permettent de progresser et également de damer le pion au système immunitaire. On retrouve le même processus à l'oeuvre avec les thérapies ciblées: celles-ci mettent une telle pression que cela conduit presque obligatoirement à la sélection d'un clone résistant. Autre problème, la forte hétérogénéité des cancers, où plusieurs voies de signalisation peuvent être mobilisées. Cela dit, les thérapies ciblées permettent de prolonger la vie dans les cas avancés, quand ni la chirurgie, ni la chimiothérapie, ni la radiothérapie ne sont plus indiquées. On a par exemple observé des résultats spectaculaires, quoique transitoires, dans certains cas de mélanomes métastatiques.
Vous faites de la recherche fondamentale en section clinique, comment percevez-vous votre position entre ces deux mondes, d'autant plus dans une Faculté qui associe biologie et médecine?
Je pense que mon rôle, comme pour tous ceux qui ont cette double formation de médecin et de biologiste, est d'être une sorte de «pont» entre les deux domaines. Recherche fondamentale et recherche clinique ont besoin l'une de l'autre pour s'alimenter. Mais je reste un clinicien à la base, dans le sens où j'ai besoin d'une observation clinique comme impulsion pour commencer à travailler.