Un court fragment de chromosome, le 16p11.2, connu pour son implication dans l'autisme, la schizophrénie et l'obésité, module les structures anatomiques du cerveau en modifiant principalement les circuits de la récompense, du langage et de la cognition sociale. Cette étude, qui combine approches génétiques, imagerie cérébrale et évaluation clinique est le fruit d'une collaboration multidisciplinaire dirigée par le Laboratoire de recherche en neuroimagerie (LREN) du Département des neurosciences cliniques du CHUV, le Service de génétique médicale du CHUV et le Centre intégratif de génomique de l'UNIL. Elle vient d'être publiée dans la revue «Molecular Psychiatry», journal avec le meilleur facteur d'impact en psychiatrie.
Des «paires» à un, deux ou trois exemplaires
Qui dit hérédité, dit paires de chromosomes. Et qui dit «paire» dit deux exemplaires. En effet, chacun des gènes propres à un individu est normalement présent en deux copies dans chacune des cellules. Mais «normalement» ne veut pas dire «toujours». Le processus qui fait que chaque parent donne une copie de ses gènes à ses descendants est parfois accompagné d'erreurs qui occasionnent des transformations spontanées du patrimoine héréditaire. De courts segments d'ADN peuvent alors être perdus (les scientifiques parlent de «délétion»)... ou hérités à double d'un des parents (ils seront alors présents en trois exemplaires, on parle de «duplication»). La délétion et la duplication sont deux processus désignés par les scientifiques comme «réciproques».
Une origine génétique commune pour certaines formes d'autisme et de schizophrénie
Des techniques très récentes permettent aujourd'hui d'analyser, sur l'entier du génome humain, ces différences en nombre de copies sur des segments d'ADN; des différences que les scientifiques désignent par l'acronyme CNV (Copy Number Variants). C'est ainsi que des variants réciproques ont été identifiés et localisés sur le fragment 16p11.2: la délétion est associée à l'obésité et/ou à des troubles de type autistique, tandis que la duplication prédispose à la schizophrénie.
Du gène au comportement : une complexité encore mal comprise
Dans cette étude, les scientifiques se sont appuyés sur une cohorte de personnes ne présentant pas (ou presque) de trouble neuropsychiatrique, mais qui sont porteuses de délétion ou de duplication sur ce fameux fragment 16p11.2. Le verdict scientifique est mathématique: le nombre de copies des fragments est inversement proportionnel au volume de la matière grise et aux propriétés de la substance blanche dans les régions corticales et subcorticales impliquées dans les processus de récompense, du langage et des compétences sociales. Ces altérations anatomiques présentent chez des personnes sans diagnostic psychiatrique, mais porteuses de la mutation, sont les mêmes que celles retrouvées chez des personnes ayant un diagnostic d'autisme ou de schizophrénie et non porteuses de ces mutations.
Un biomarqueur préclinique de la maladie
«Nous interprétons ces changements anatomiques observés chez des sujets sains, mais à haut risque de développer un trouble psychiatrique, comme des marqueurs de la vulnérabilité génétique à la maladie» explique Anne Maillard, co-auteure de l'article et chercheuse au Service de génétique médicale du CHUV. «Ils peuvent ainsi servir de biomarqueur préclinique de l'autisme ou de la schizophrénie».
Un nouvel outil pour décortiquer les contributions de chaque gène
Détecter une maladie avant même l'apparition de signes cliniques, par des moyens non invasifs représente un outil diagnostique précieux pour les neurocliniciens. L'analyse fine de l'anatomie du cerveau humain offre ainsi une opportunité unique d'étudier les liens entre gène et comportement. «Nos travaux ont pu non seulement identifier au plan anatomique les régions impliquées dans la schizophrénie et l'autisme, mais aussi que les gènes modulent ces mêmes régions», souligne Anne Ruef co-auteure de l'article et doctorante au Laboratoire de recherche en neuroimagerie. «Ce qu'il reste à faire est le dépouillage des contributions relatives de chaque gène sur le comportement!».
Les trois laboratoires UNIL-CHUV qui ont dirigé cette étude sont: