la présente contribution relira l'arrêt prématuré d'une formation dans une perspective de genre et élargira la réflexion pour envisager la formation professionnelle comme fabrique du genre.
Dans le cadre du cycle de conférences du Centre en Etudes Genre LIEGE de l'UNIL
En Suisse, la formation professionnelle est, contrairement à d'autres pays occidentaux, la filière de formation privilégiée des jeunes au sortir du secondaire. En effet, près de 2/3 des jeunes choisissent cette voie, et en priorité la formation professionnelle duale, qui alterne formation théorique en école et formation pratique en entreprise (OFFT, 2008). De plus, les filières de formation et les professions restent largement sexuées, une forte ségrégation professionnelle est toujours en vigueur (OFS, 2004). Anti-chambre du marché du travail, soumise aux mêmes logiques de ségrégations et de division du travail que celui-ci, la formation professionnelle est un lieu privilégié pour observer la production et la transmission des normes de genre. En effet, la formation professionnelle perpétue les inégalités en vigueur tant sur le marché du travail que dans le système de formation. En outre, cette filière est traversée par une tension entre deux logiques antagonistes (Moreau, 2000) : la formation et la production, qui coproduisent des inégalités de sexe.
Dans le cadre d'une recherche sur les arrêts prématurés en formation professionnelle duale (Lamamra & Masdonati, 2009), 46 jeunes (23 filles et 23 garçons) ont été interviewé-e-s lors d'entretiens semi-directifs. Basée sur des analyses secondaires de ces entretiens, la présente contribution relira l'arrêt prématuré d'une formation professionnelle dans une perspective de genre et élargira la réflexion, en partant du cas particulier des arrêts, pour envisager la formation professionnelle comme fabrique du genre. Quelques réflexions méthodologiques seront proposées autour des difficultés, mais aussi de l'intérêt de l'exercice de l'analyse secondaire, en particulier une analyse de genre de données collectées dans une autre perspective.
Après une très rapide mise en contexte (situation du marché des places d'apprentissage et impact sur la ségrégation professionnelle), cette contribution s'intéressera à ce qui est transmis durant la formation professionnelle en matière de genre, et ce parallèlement aux savoir-faire professionnels. Tout d'abord, je m'arrêterai sur l'apprentissage par filles et garçons de la division sexuelle du travail. La formation professionnelle, à l'instar de l'armée (Devreux, 1992), assigne les personnes à des tâches particulières, leur signalant ainsi leur position respective dans la hiérarchie de l'entreprise et dans les rapports sociaux de sexe. Ensuite, je m'intéresserai plus spécifiquement à la transmission des normes de genre durant l'apprentissage dual, ce tant dans des métiers traditionnellement investis par l'un ou l'autre sexe, que dans des situations d'insertion atypique, les métiers dits pionniers (Vouillot, 2007). Ce deuxième volet permettra de vérifier à la fois quelles sont les normes transmises, comment elles peuvent entrer en conflit avec celles de la profession (métiers pionniers), mais aussi la façon dont elles sont transmises.
Enfin, un dernier volet s'arrêtera sur l'apprentissage conjoint des rapports sociaux de sexe et du modèle hétéronormatif, montrant comment dans un même cadre (la place d'apprentissage), coexistent des rapports antagonistes entre les sexes (en particulier en situation d'insertion atypique) et des relations hommes-femmes, basées sur le mythe de la complémentarité entre les sexes.